samedi 16 avril 2016

Réponse au président de la Fédération des établissements d'enseignement privés


Monsieur St-Jacques,

j’ai lu avec intérêt votre discours en réponse au message véhiculé par la publicité de la FAE. Quelle ironie de lire un texte aussi manipulateur que le vôtre ! La propagande dénoncée s’apparente étrangement à celle que vous proposez. Je crois qu’une certaine objectivité s’impose afin de mettre en perspective les véritables enjeux de ce débat.


D’abord, selon une étude du ministère de l’Éducation, le financement des écoles privées au Québec représente en réalité 75 % des coûts. Vous affirmez que l’école privée appartient à sa communauté. Je vous répondrai qu’elle appartient en grande majorité au peuple québécois.

Ensuite, vous dites que « … l’école privée affiche des taux de réussite très élevés, et ce, même si elle accueille des élèves au profil de plus en plus varié. En effet, plusieurs écoles privées ont adopté des mesures et des programmes particuliers afin d’amener à la réussite des élèves ayant des défis particuliers. »

Auriez-vous l’amabilité de chiffrer ces informations et de dresser un portrait de la situation par région ? Dans cette optique, je souhaiterais quelques réponses aux questions suivantes :
  1. Quel est le pourcentage des écoles privées qui ne sélectionnent pas leurs élèves ?
  2. Quel est le ratio entre le nombre de demandes d’admission et le nombre d’élèves admis ?
  3. Quel est le nombre d’établissements offrant des programmes particuliers pour les élèves ayant des défis particuliers ? (en passant, qu’est-ce qu’un défi particulier ?)
  4. Quel est le nombre de professionnels affectés à ces mesures et à ces programmes ?


Vous savez quoi M. St-Jacques ? J’en ai marre de constater le gaspillage des ressources humaines et financières dans le but d’alimenter ce débat enfantin opposant l’école privée à l’école publique. J’en ai marre de voir un syndicat utiliser les cotisations de ses membres à des fins publicitaires. J’en ai marre que cette concurrence publique-privée entraîne une dilapidation éhontée des fonds publics.


J’ai déjà mal au cœur lorsque je pense à l’automne prochain. Lors de cette période de grande frénésie mercantile en éducation, nous serons encore témoins des  manœuvres des écoles publiques et des écoles privées afin d’attirer les clients potentiels : portes ouvertes, pubs télé, pubs radio, pubs dans les journaux, etc. Le payeur de taxes est endoctriné et il ne se pose pas de questions. La concurrence est synonyme de qualité. Bref, il est tristement acceptable de dépenser pour la vente de son produit.


Il y a des coupes en éducation et il faut les dénoncer ? Fort bien. Attaquer l’école privée est-elle la meilleure façon de le faire ? Je ne crois pas. Ce qu’il faut, c’est le désir commun de construire le meilleur système d’éducation non pas pour le bien de son enfant, mais celui de tous les enfants.


Selon le rapport d’un comité d’experts (2014), « les élèves qui sont plus à risque d’échouer pour des raisons liées à leur statut socioéconomique ou à leur origine ethnique, bénéficient significativement de la présence d’élèves forts dans leur classe, alors que les élèves forts ne sont pas pénalisés par la composition hétérogène de leur classe


Favoriser l’hétérogénéité des classes et des établissements scolaires apparaît donc comme un moyen peu coûteux d’améliorer l’efficience d’un système scolaire, alors que la pratique du placement sélectif des élèves dans des classes ou des écoles différentes sur la base de leurs résultats scolaires, résultats qui sont intimement liés à leur origine sociale, entraîne des coûts supplémentaires dus à la concentration d’élèves à risque dans les mêmes groupes.


Selon plusieurs recherches rigoureuses menées à travers le monde, le placement sélectif des élèves sur la base de leurs résultats scolaires et de la capacité de leurs parents de choisir une école ou une classe plutôt qu’une autre est à la fois inéquitable et inefficace, car il entraîne systématiquement une diminution substantielle dans les taux de réussite scolaire de l’ensemble des élèves et contribue à maintenir les inégalités sociales.


Il faut également souligner que dans un système fortement normé comme le Québec, l’effet positif de la compétition entre les écoles sur la performance de l’ensemble des élèves n’est pas démontré. »


La question fondamentale demeure la suivante : comment permettre la mission collective de notre système d'éducation ? À ce propos, il semble que l'existence d'un système à deux vitesses et la marchandisation de l'éducation causent beaucoup trop de tort à nos élèves vulnérables. 

En terminant, monsieur St-Jacques, j’aimerais simplement vous rappeler que nous ne sommes pas dans l'obligation, au nom de la justice sociale, de financer les écoles privées. Nos voisins ontariens l’ont compris, tout comme les Finlandais … Et il s’agit, dans les deux cas, de systèmes d’éducation extrêmement performants.

 

 

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